TALE OF TALES
Fascinant et, par dessus tout, esthétiquement sublime : un véritable voyage
Matteo Garrone, réalisateur italien, est connu en France seulement depuis ses deux derniers films, tous deux lauréats du Grand prix du jury du Festival de Cannes. Il y a d'abord eu le choc "Gomorra", peinture des rouages de la Camorra napolitaine et fresque aussi brutale que la violence qu'elle dépeint. Puis il a réalisé "Reality", satire sur la fascination toute italienne pour une téléréalité envahissant fictivement le quotidien d'un Napolitain désireux de devenir célèbre. Avec "Tale of Tales", il change totalement de registre, plongeant le spectateur dans un univers médiéval fantastique, inspiré des contes de Giambattista Basile, pour mieux parler au travers de trois histoires de rois et de reines, du désir et de ses conséquences.
Le film est esthétiquement époustouflant, bénéficiant de décors grandioses (falaises, cavernes, intérieurs épurés...), restituant chaque histoire par une vue lointaine sur un château incroyable à la fois dans ses formes et sa situation. Il fait appel à l'imaginaire de chacun, qu'il soit collectif (le funèbre sorcier filiforme vêtu de noir, les sorcières, l'ogre barbare...), ou plus intime (le lien entre les jumeaux...), tout en donnant à découvrir des créatures incroyables (les monstres marins qu’un roi chasse pour en retirer le cœur chaud, la puce géante qui grossit à vue d’œil...).
Bercé par une divine musique signée Alexandre Desplat, le spectateur découvre ainsi avec émerveillement, un monde où lumière et ténèbres se confrontent au travers de personnages à l'humanité saisissante, animés par un désir d'enfant, de pouvoir ou de beauté, et que chacun devra payer à sa manière. Au travers de trois contes plus ou moins moraux ou immoraux, "Tale of Tales" aborde la question de la beauté qui ne dure pas, de l'injustice de la vieillesse et de ces dons inégaux que la nature fait aux uns et pas aux autres (la capacité à avoir un enfant, la beauté...). Il évoque avec force symbolique (l'usage du blanc, du rouge et du noir étant nullement anodin), l'émancipation de l'enfant, la fin de l'innocence, le pouvoir de la beauté, l'emprise de l'amour et la capacité à renoncer.
Captivant de bout en bout, le film offre un spectacle faisant indéniablement voyager. Une balade qui se savoure à la fois pour sa beauté picturale, ses effets visuels simples évoquant des mondes fantastiques à la Jules Verne (monstres marins, paysages...) et pour l’aspect moral des histoires présentées. Un grand film de cinéma.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur